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Qui ne sait qu'un écrivain doit se grimer pour survivre, et faire oublier son oeuvre.

« Situation », L'Infini, n°76, automne 2001.

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Je n'ai aucune difficulté à me convaincre qu'à très peu d'exceptions n'importe quel fragment cohérent de ce que j'ai pu, à ce jour, publier, fait sens et justifie la visée d'ensemble.

La Fortune, la Chance, coll. « Lectures », Hermann, 2007.

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Poésie. Le coffre est fermé, je sais ce qu'il contient mais je ne le vois pas. Je pourrai l'ouvrir si j'avais la clé, bien qu'il n'y ait pas de serrure. D'ailleurs il n'y a pas de coffre et ce n'est pas fermé.

Le Plus Court Chemin, Gallimard, coll. « L'Infini », 1997.

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Qui ne sait aujourd'hui pouvoir, quand il veut, en France ou ailleurs, et notamment à Paris, prendre l'air du large. Je vote Versailles, les Trianons, « ce sont de bonnes solitudes », les jardins des Tuileries, la musique, l'île de la Cité, le Louvre, Picasso, L'Infini, la perspective des Champs-Élysées, l'avion, le TGV Méditerranée, Internet, le bouclier du monde, l'Europe, Venise, l'univers à disposition, le póntos*.

* Le grec póntos désigne un chemin qui n'est pas simplement un espace à parcourir. Non tracé d'avance, il a des détours imprévus et peut varier avec celui qui le parcourt. C'est un franchissement à travers une région inconnue, la route à ouvrir là où il n'existe aucune route.

« Situation », L'Infini, n°76, automne 2001.

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La ville, grande ouverte. Parcs, avenues, la ville est d'une nouvelle luminosité. Grande prose, étendues, « la séance des rythmes » au soleil. Quartier désert. L'étude du ciel. La fille de B. m'accompagne. Le ciel change de féerie. Silence jusqu'à la Tamise, jusqu'au bord du fleuve... les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.

« Rimbaud étranger », L'Infini, n°80, automne 2002.

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Il me semble que l'écriture, que ce soit celle du roman, du poème, de l'essai, se qualifie d'abord, comme contenu, de ses cadences, de son rythme. Je n'en démords pas, on ne saurait le dire mieux que Rimbaud : « Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel et la visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le monde de l'esprit. »

« Entretien avec Jacques Henric », Art Press, n°203, juin 1995.

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Les mauvais romans n'ont de succès qu'auprès de ceux dont la vie est un mauvais roman. C'est dire s'il y a foule.

Les Voyageurs de l'an 2000, coll. « L'Infini », Gallimard, 2000.

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À n'en pas douter, là où la poésie est dérisoire la société est une société des amis du crime, les hommes y vivent et meurent ensemble en enfer.

« Poésie et Politique », L'Infini, n°73, printemps 2001.

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Il me semble de plus en plus évident que la question de la liberté de penser, c'est-à-dire d'être… que la question de l'essence de la vérité, se trouve indissociable de la question de la poésie… Aussi n'est-il pas surprenant que celle-ci soit par excellence le lieu de toutes les falsifications, de toutes les escroqueries ; au mieux, et depuis plus d'un siècle, le lieu des plaintes les plus dérisoires et les plus craintives.

Le Plus Court Chemin, de « Tel Quel » à « L'Infini », coll. « L'Infini », Gallimard, 1997.

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Dans « Aden », supplément pas très rimbaldien, il faut bien le dire, du Monde, Jude Stéfan, dernier Grand Prix de poésie de la Ville de Paris, déclare, à propos de Bernay, la petite sous-préfecture où il habite : « C'est dur d'y demeurer, l'hiver surtout. Mais cela m'a permis d'écrire plus noir. De souffrir mieux » (sic… pour faire mieux encore je lui propose la prison)… Puis citant Isidore Ducasse (Lautréamont) incorrectement : « La plus grande grâce donnée, c'est d'être né », il commente : « Moi je n'y arriverai jamais ! » La confidence est en effet douloureuse.
Serait-ce plus facile pour lui s'il avait correctement lu la phrase qu'il cite : « Je ne connais pas d'autre grâce que celle d'être né. Un esprit impartial la trouve complète »… Question d'oreille, de musique, de phrase, de mémoire phrasée…

La Fortune, la Chance, coll. « Lectures », Hermann, 2007.

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N'être pratiquement pas lu, ou considéré comme illisible ; être marginalisé socialement et littérairement, je ne m'en vanterai pas. J'y trouve aussi mon compte. Je n'ai jamais consacré à la chose sociale le temps et l'énergie nécessaires. Pourquoi ? J'avais sans doute mieux à faire ailleurs. Chacun chez soi et les cochons seront bien gardés. Ils le sont.
Ce qui semble n'avoir pas la moindre importance (ou trop d'importance) pour mes contemporains, ce que j'écris, me juge et juge mes contemporains.

Les Voyageurs de l'an 2000, coll. « L'Infini », Gallimard, 2000.

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Mais rien n'est jamais joué et si ce qui est écrit peut se brûler, ce qui fut une seule fois librement et véritablement pensé ne se peut détruire. C'est sans cesse qu'il faut à nouveau voiler ce qui se découvre sans cesse. L'heureuse, si je puis dire, différence entre un régime dictatorial et un régime démocratique tient à ce que le premier, expéditif, brûle, tue ou enferme, alors que le second ne cesse de s'employer à recouvrir, à obscurcir, à détourner et à créer des leurres qui ne peuvent pas, à un moment ou à un autre, ne pas signaler ce qu'ils se donnent de plus en plus de mal à dissimuler : le libre et exotérique déploiement d'une pensée qui se veut seule maîtresse de son destin.

Le Plus Court Chemin, de « Tel Quel » à « L'Infini », coll. « L'Infini », Gallimard, 1997.

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1949. Je n'avais pas vingt ans. J'en avais à peine seize, lorsque je me suis trouvé seul à Paris. Je ne connais pas d'autre éducation. Découvrir en même temps Lautréamont, Rimbaud, la porte Saint-Denis et le quartier des Halles. La rue. Vacances dans les rues. Une initiation. Les garçons, les filles, la Contrescarpe, la bibliothèque Sainte-Geneviève, les Grands Boulevards, les guichets du Louvre, les quais, Notre-Dame de Paris et les petits cinémas. Tout ensemble spontanément. Avec quelques gnons, mais sans compte à rendre à qui que ce soit. Seize ans, la rue et la bibliothèque, le musée, les muses m'ont fait ce que je suis. Et je ne ressens rien différemment aujourd'hui où l'horizon est infiniment plus large. Bien au contraire... www avec le ciel ouvert, et toutes les planètes.

Chaque année, chaque mois, chaque jour s'ouvre sur une perspective qui actualise avec force les points de fuite du passé.

« Situation », L'Infini, n°72, hiver 2000.