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Rimbaud

En 1962, je publiais mon premier livre, Provisoires amants des nègres... Un livre dont Sollers perçut immédiatement l'explicite référence à Rimbaud. Il fut d'ailleurs le seul.

Marcelin Pleynet, « Situation », L'Infini, n°75, été 2001.

 

Première lettre de Philippe Sollers à Marcelin Pleynet, 1961.

Cher Monsieur,
Je viens de lire vos poèmes. Pensez ce que vous voudrez de ma réaction (je ne crois pas d’ailleurs qu’elle doive vous sembler très considérable), mais enfin je les trouve superbes. Voilà longtemps que j'avais cessé de lire de la « poésie », dégoûté que j’étais par une impression d’abus de confiance général. Ici, chez vous, je retrouve tout : mon goût – et mieux que lui –, une science et une perfection synthétiques, simples, qui, bien sûr, ne sauraient admettre de commentaires.
La syntaxe, le rythme, ne me paraissent pas rimbaldiens pour rien (comme il arrive à tant d’illusionnistes contemporains), la vision est presque toujours extrêmement belle (complexe). C’est vrai, tout cela est extraordinaire.
Bref, « j’y suis, j’y suis toujours ! » (et même, depuis ma lecture, ces poèmes ne me quittent pas). Tel Quel serait honoré d’en publier (moi, j'aimerais que ce soit beaucoup). Pouvons-nous nous rencontrer un de ces prochains jours ? Je vous montrerais mon choix, nous nous mettrions d’accord.
Merci.

Ph. Sollers

Cayrol me dit que vous venez le mardi et le vendredi. Mettons alors mardi prochain vers 17 h. à la revue ?
Pouvez-vous m’apporter – c’est curiosité de lecteur - toutes choses de vous montrables et récentes ?

 

Cf. Jacqueline Risset, Marcelin Pleynet, coll. « Poètes d'aujourd'hui », Seghers, 1988.

 

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1981

Marcelin Pleynet est avant tout un poète, mot qu'il faut employer à son égard avec toute la charge de sauvagerie et d'intransigeance qui fait défaut, d'habitude, à des exercices exténués du même nom. STANZE, son livre principal, dont seul le premier volume est paru, est sans aucun doute la plus grande production lyrique en français depuis le passage fulgurant d'Antonin Artaud. Comme critique, on doit à Pleynet au moins deux livres majeurs : Lautréamont et Art et littérature. Mais c'est le poète qu'il faut connaître d'abord. Son rôle historique, notamment à la revue Tel Quel, est depuis 15 ans considérable.

Philippe Sollers, Courrier du centre international d'études poétiques, n°139-140, janvier-février 1981.

 

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2007

Il faut aussi, mais c'est impossible car incalculable, que je salue ici mon ami Marcelin Pleynet à travers toute cette histoire. Après-midi à la revue (Tel Quel, puis L'Infini), conversations de fond, établissement des sommaires et des illustrations, digressions sur tous les sujets, lectures communes, encouragements réciproques. Un enregistrement continu de ces rendez-vous quotidiens (une heure sur Rimbaud, une autre sur Hölderlin, une autre encore sur Giorgione, Piero della Francesca, Cézanne ou Picasso) ferait un roman extraordinaire. On en a une idée en lisant, de Pleynet, ses “Situations” qu'il a sous-titrées “Chroniques romanesques”, ou encore son Savoir-vivre, petit livre éclatant. Personne, aujourd'hui, et pour cause (jalousie intense), n'est plus injustement censuré. Cela se comprend sans peine : Pleynet est fortement a-social, pas du tout communautaire, extrêmement exigeant, au point qu'à le suivre nous n'aurions pas publié le dixième de ce qui a été imprimé. Beaucoup plus sévère que moi, donc, vertu peu courante. Pas de dettes entre nous, je crois, mais une conviction partagée.
L'amitié est un bien.
“Qui considère la vie d'un homme y trouve l'histoire du genre. Rien n'a pu le rendre mauvais.” (Lautréamont.)
Parce que c'était lui, parce que c'était moi, parce que la situation l'exigeait, parce qu'il n'y avait, et qu'il n'y a toujours, rien de mieux à faire.


Philippe Sollers, Un vrai roman. Mémoires (2007).

 

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2011

Vous venez de mettre au point l’édition de ce livre qui s’appelle Nouvelle liberté de pensée, aux éditions Marciana. Nouvelle liberté de pensée, c’est un très beau titre, qui suppose d’emblée qu’il y aurait une vieille façon de parler de la liberté de pensée. Autrement dit, qu’il y aurait une façon de nier la pensée en faisant appel à une liberté qui ne pense pas. D’où l’excellence de ce titre.

Le cas de Marcelin Pleynet, car c’en est un, repose sur cette métaphore tout à fait saisissante, qui est due à l’analyste Edgar Poe, à savoir qu’il s’agit de la lettre volée. De même que L’Infini, dont nous préparons le numéro 117, paraît tous les trois mois dans un vide sidéral, qui fait qu’on ne sait jamais si ça a été reçu ou lu, de même l’ensemble considérable de l’œuvre de Marcelin Pleynet est là sans que personne ne semble remarquer son ampleur. Ce qui va poser aux historiens du futur, s’ils existent, des questions toutes plus intéressantes les unes que les autres, mais il faudra qu’ils expliquent pourquoi un tel aveuglement et un tel refoulement. S’agirait-il de quelque chose de marginal, ça se comprendrait – on passe, et on fait comme si ça n’existait pas. Mais comme c’est précisément tout à fait central, ça voudrait prouver que ce qui s’autorise à se dire central est marginal. Par conséquent, Pleynet démontre, à ses dépens (mais finalement ça n’a pas d’importance), qu’il n’y a plus de centre pour juger de ce qui est central.

Pourquoi donc ?
Eh bien, il suffit d’ouvrir ce volume pour s’apercevoir que l’auteur, dans les jours qu’il traverse, a tendance à penser. C’est très net. Et comme il s’agit d’une pratique poétique constante, c’est-à-dire un savoir-vivre en poésie, relancé sans cesse par des lectures et des voyages, la démonstration, jour après jour, quotidienne, est là que ça ne pense plus du tout, sauf par la consignation de ces paragraphes.

Nous sommes dans l’année 2001, et vous avez constamment l’électricité poétique de quelqu’un qui vit en poésie. C’est pour ça qu’un de ses plus beaux livres s’appelle Le Savoir-vivre – pour savoir écrire il faut savoir lire, pour savoir lire il faut savoir vivre. C’est une façon de vivre très particulière, qui consiste à écrire absolument dans l’actualité, mais jugée d’ailleurs.
C’est-à-dire que vous avez tout de suite des considérations sur poésie et métaphysique ; une lecture constante de Heidegger, très précise ; est présent, indubitablement, Debord… Et la poésie qui pense, pense d’ailleurs, c’est-à-dire d’une façon même d’organiser sa vie dans différents lieux : Blévy, Nice, et surtout, bien entendu, Venise.

Je fais remarquer, dans Un vrai roman. Mémoires, que l’on pourrait dire, à juste titre, que tout ce qui s’est fait ici même, s’est toujours fait depuis Venise. À la limite, vous êtes dans un bureau, il pourrait y avoir des téléscripteurs, nous sommes là, apparemment, mais c’est comme si nous étions l’un et l’autre – pas du tout au même moment ni aux mêmes endroits – à Venise, jugeant le xxe siècle et le xxie siècle déjà avancé depuis ce lieu. Ce lieu qui est le lieu et la formule, comme je l’ai dit par ailleurs. Vous avez affaire, donc, à deux Vénitiens, qui connaissent admirablement ce lieu où vous avez la plus ample vision, en art de vivre, en peinture et en musique. Tout cela à partir de la poésie.

Depuis le début, le contrat implicite entre Marcelin Pleynet et moi, c’est que tout va être pensé à partir de la poésie. C’est pourquoi vous avez ce Lautréamont initial, qui va reparaître bientôt, Lautréamont par lui-même.
C’est pourquoi aussi vous avez un des plus beaux livres de Marcelin Pleynet qui s’appelle Rimbaud en son temps, et où il souligne le « son temps ». C’est donc une façon de faire avec le temps. Qui a des implications politiques.
Lire la Nouvelle liberté de pensée sans y associer les nombreux points de vue politiques qui s’en dégagent à partir de la poésie – périmant par là même le non-engagement piteux des poètes dans la visée politique, ébouillantés qu’ils ont été, pour la plupart, par la poésie communiste –, ce serait faire une grande erreur. La politique qui suit cette façon d’être, de vivre, est à mon avis immédiate.

À partir de ce point de vue poétique – j’ai dit Venise, mais vous ouvrez n’importe quel recueil de poésie de Marcelin Pleynet pour voir comment il trace quelque chose qui ressemble à un trait idéographique, La Dogana, par exemple –, vous lisez des intervalles constants de paysages, souvent très courts, très brefs, admirablement écrits. Exemple, tout de suite : « Pensé aujourd’hui que ce qui m’attachait à cette maison, c’était sans doute d’abord sa proximité avec la masse imposante de la nef de l’église (ce navire renversé sur la terre) qui repose assoupie à côté du jardin. » Ça fait trois lignes et demie, même pas.

En quelques pages, vous allez avoir des lectures – le livre commence par une lecture du Psaume 108 de la Bible. Ensuite, vous allez avoir ce que je viens de vous lire. Vous aurez, presque immédiatement, une des références constantes de Pleynet, à savoir Cézanne. Il va s’amuser que l’on parle du mont Sainte-Victoire au lieu de parler de la Sainte-Victoire. Et, nous sommes à peine au bout de trois pages, je lis ça, à propos de Cézanne : « L’entêtement du peintre à créer un monde habitable dans le désert du monde. » « Je ne peux pas évoquer cette œuvre sans être envahi par une émotion – une sensation – une émotion sensationnelle qui accompagne l’approche et la proximité d’une certitude : oui c’est bien là, dans l’infinie proposition des signes d’intelligence et de vérité sensible, que se vit ce qui a le bonheur d’être vécu. » Savoir vivre, savoir voir la peinture.
On pourrait rester très longtemps sur la façon dont la peinture illumine toute l’œuvre de Pleynet. Ut pictura poesis, la poésie, la peinture, la pensée. Et le coup d’œil jeté, depuis ce havre, sur l’actualité. Et là, vous avez un nombre de réflexions, puisqu’il lit les journaux, surtout les nouvelles économiques (ce que pratiquement personne ne fait), avec ce regard-là, sur la financiarisation mondiale, qui, dix ans après ce qu’il note, a atteint une vitesse folle, qui ne lui échappe pas déjà.

Quand je parle de politique (la référence à Bataille, là, est fréquente), il faut savoir qui aujourd’hui – dans sa façon de vivre, de penser, de voir, d’entendre, et de façon quotidienne, s’il y a un arbre ou une fleur, pourquoi pas… –, qui a vraiment compris ce qu’il en est de l’histoire du xxe siècle. C’est-à-dire le stalinisme et l’hitlérisme, le pacte stalino-nazi, comme on doit dire, et non plus germano-soviétique. Et puis ce qu’il en est du fonctionnement sans arrêt du spectaculaire. Spectaculaire au sens de Debord, le spectaculaire intégré. Debord est mort en 1994, sa pensée est diffuse sans que personne ne s’arrête à la comprendre, alors que c’est très clair. Là, dans cette Nouvelle liberté de pensée, qui s’oppose donc à cette fausse liberté de ne pas penser précédente, la compréhension du spectaculaire intégré est tout à fait présente. Je lis : « Distance et proximité forment désormais une seule unité politique, dont on peut attendre le meilleur si elle renvoie à l’autorité d’un étant présent forcément en situation… le pire [nous y sommes] si elle noie la singularité de l’événement dans la masse confuse et anonyme d’une consommation d’anecdotes toutes également perçues dans l’intégration de leur gratuité spectaculaire. »

Cette proposition que je viens de lire est celle de quelqu’un qui n’arrête pas de vous parler de « poésie et pensée ». « Poésie et penséePensée et poésie… Poésie et métaphysique : ces titres, qui reviennent à plusieurs reprises dans les pages de ce Journal, renvoient à un projet de livre auquel je travaillais en 2001 et qui n’a pas vu le jour. » Il voit le jour avec ce volume. Et avec tant d’autres, que personne n’a l’air pressé de voir paraître, sauf vous.

Donc : poésie, pensée, peinture, musique, politique. Je tourne les pages et je suis étonné de voir apparaître le penseur maudit du xxe siècle, dans la mesure où il était le seul à penser – ce qui est démontrable, prouvable –, dans l’indifférence générale ou la répulsion programmée. C’est-à-dire Heidegger. Les Concepts fondamentaux, parus en 1985 chez Gallimard. Vous avez ça très vite comme appel, au milieu de notations sur la peinture et son actualité plus ou moins sinistre. « Si, la plupart du temps, le commencement reste à ce point entouré du halo qui pare l’inaccessible, cela tient peut-être à sa trop grande proximité, qui fait précisément qu’il nous a toujours d’emblée échappé. »

De là, vous pouvez aussi bien aller vers Matisse (autre grand livre de Marcelin Pleynet) que vers Cézanne, et, pourquoi pas, vers l’Inde ou la Chine. Autrement dit, voilà quelqu’un qui, vivant le présent depuis l’ailleurs – beaucoup plus présent que le présent – vénitien, en marge (du tourisme, etc.), découvre qu’écrivant en français il a à sa disposition aussi bien d’autres civilisations que celle qui est étroitement française et qui est en train de naufrager.
Nous sommes avec la Chine, et il faut rappeler, bien entendu, que ce n’est pas tout à fait par hasard si nous nous sommes retrouvés en Chine en 1974, pour un voyage qui a fait, comme ça, des remous dans la presse, mais dont personne n’a voulu comprendre en quoi il était prophétique du point de vue fondamental, à savoir la pensée chinoise. Heidegger, comme vous le savez, a beaucoup insisté vers la fin de sa vie sur le dialogue avec l’asiatique, se voyant malgré tout retardé – il n’est pas le seul, Kojève notamment – par le Japon. Rien n’est plus différent, fondamentalement, du Japon que la Chine. Là, nous avons par exemple une « exposition des Trésors du Musée national du Palais, Taipei, au Grand Palais, en janvier 1999 », donc deux ans avant ce Journal.

Et là, tout à coup, un bref aphorisme politique. 12 janvier : « Çà et là – dit Marcelin Pleynet –, multiples sermons de “l’abbé Philippe Muray” »… C’est comme ça que nous l’appelions autrefois. Soit dit en passant, il a publié un très bon livre à l’époque, qui s’appelle Le xixe siècle à travers les âges, avant de l’oublier, sans doute, du fait de son mauvais rapport à la poésie. Le mauvais rapport à la poésie – qui est constant, implacable – produit une absence de potentiel immunitaire, et donc des faiblesses, des vieillissements prématurés. « Çà et là, multiples sermons de “l’abbé Philippe Muray”. Ce que Nietzsche appelle “le pessimisme de la faiblesse”. » On ne peut pas mieux dire.

Je passe sur l’épisode très important, politiquement, qui est là souvent, l’épisode Robbe-Grillet, qui va ensuite amener cette polémique avec Poirot-Delpech. Tout ça n’a pas beaucoup d’importance, sauf qu’on voit ressurgir un des spectres du xxe, dont rien ne nous dit que nous soyons le moins du monde sortis, c’est-à-dire Vichy, Pétain et compagnie.
Quand on parle ensemble, avec Marcelin Pleynet, je lui dis que je maintiens un concept inoxydable pour juger de toute cette époque, c’est-à-dire Vichy-Moscou. Tantôt c’est l’un qui revient, avec son moisi caractéristique, tantôt c’est l’autre, avec sa pourriture détectable.

Je passe, pour en arriver encore à des paysages. Le 4 février, par exemple : « Comme chaque soir, grand drap gris et ondulant d’un vol d’étourneaux qui envahissent bientôt les arbres voisins, pour brusquement s’envoler, se poser à nouveau et recommencer leurs criailleries précipitées, aiguës, qui occupent tout le champ sonore. Je les observe avec une longue-vue, gris tachetés de blanc, ils semblent affairés et perdus, d’un charme, je ne sais comment, étourdi. » Voilà, tout ça à la fois, en même temps, dans le savoir-vivre. Les étourneaux, je ne vous les présente pas, vous les avez en effet dans Les Chants de Maldoror, mais là c’est en direct, de la part d’un maldororien éminent. Et si vous êtes à Rome, de temps en temps, vous pouvez les voir, ces étourneaux, tourner autour de Saint-Pierre de Rome, vers sept heures ou huit heures du matin. Ils sont très difficiles à comprendre, ou à peindre.

Je passe en effet sur ces paltoquets, ces palotins, si vous préférez, comme Robbe-Grillet, Hallier et compagnie… Marcelin Pleynet, très posément, règle ses comptes, notamment avec le journal branché qui s’appelle Les Inrockuptibles, et Le Monde, pour ne citer que deux exemples de ce qui, dans notre époque, est politiquement correct.
Politiquement correct, ça veut dire que ça évite le regard de la poésie sur l’actualité. Les poètes, au point où ils en sont de leur misère, acceptant tout à fait d’être mis dans une marge plus ou moins subventionnée, en se gardant bien d’intervenir sur la longueur d’onde qui les concerne, s’ils étaient poètes, c’est-à-dire Homère, par exemple, que vous avez là à chaque instant, ou Pindare. Se contentant, donc, comme le système les y contraint (et ils sont collaborateurs de leur propre exploitation), de leur petite subjectivité « poétique ». C’est la grande poésie qui est intéressante, et pas les « poètes » poémisants. C’est-à-dire la pensée qui anime la grande poésie, qui elle-même juge l’actualité.

Là, je tombe sur Heidegger, encore, à propos de la mort. Citation admirable de Heidegger, que j’ai moi-même employée par ailleurs : « La mort est l’Arche du Rien, à savoir de ce qui, à tous égards, n’est jamais un simple étant, mais qui néanmoins est, au point de constituer le secret de l’être lui-même. […] En tant qu’Arche du Rien, la mort est l’abri de l’être. »

Comme, tout à coup, tout s’ouvre, lorsqu’on sait voir à partir de la pensée. Prenez, par exemple, ce peintre qu’on appelle Lucian Freud, qui vient d’obtenir des prix exorbitants sur le marché de l’art, dont Francis Bacon disait… vous voyez ce dégoulinage de laideur... dont Francis Bacon disait : « Sa peinture est réaliste, mais elle n’est pas réelle. » Eh bien, voilà, page 160 : « Article de circonstance dans Libération sur une peinture du misérabiliste Lucian Freud qui vient d’être achetée par le musée national de Canberra et qui mobilise les médias australiens dénonçant le gaspillage des fonds publics et l’obscénité de l’œuvre. » Tu parles !
Alors, comme c’est rafraîchissant de passer à la page suivante, puisque Marcelin Pleynet est à Venise, sur le campo Pisani, le 29 mai, près du Conservatoire de musique : « J’entends, à peine étouffée, la musique plus ou moins élaborée que travaillent les élèves en fin de matinée… ruissellement que traversent les rumeurs de la ville. »
Alors, quelle fraîcheur de tomber sur Canaletto, page 161. Tout le passage serait à citer : « C’est très souvent dans la pâte, dans la matière colorée que le pinceau précise ou suggère les figures ; et la vue, le paysage se déploie et se ponctue comme une chaude partition musicale… Nature vive des occupations et des agitations sur la lagune… Peuple chaleureusement célébré par son peintre, sensible comme aucun autre à ce qu’il en fut de vivre là – du privilège d’être vénitien, fût-ce comme pêcheur, gondolier, désœuvré, courtisan, bourgeois, tailleur de pierre. Dans ces vues, les Vénitiens habitent Venise comme naturellement la trace du pinceau dévoile la qualité de l’œuvre… La trace du pinceau habite poétiquement le détail : l’essentiel. » Eh bien, en écrivant cela, c’est ce qu’il fait.

Ensuite, vous avez de nouveau Homère, avec de très belles remarques sur La mètis des Grecs, le livre de Vernant et Detienne. Je cite : « Que reste-t-il de l’Iliade et de l’Odyssée si l’on fait l’économie de cette pensée dense, touffue, serrée, de la mètis, de la ruse, qui, dans les deux poèmes, répond à la question “qu’appelle-t-on penser ?” ». Qu’appelle-t-on penser ? Vous retrouvez le titre de l’ouvrage de Heidegger, Was heisst denken ? Qu’est-ce qui nous appelle à penser ? La poésie pense. Ce dont les philosophes ne s’avisent que trop peu souvent. Et les poètes encore moins, puisqu’ils ne sont plus là où ils pourraient poétiser leur existence, en profondeur.

Donc, vous êtes à Venise… je feuillette… et je tombe sur quelque chose de très juste sur Toulouse-Lautrec : « Distinction et aristocratie de Picasso. » Un peu plus loin, Marcelin Pleynet note : « Pose de bourgeois, de grand bourgeois de Matisse. Picasso, lui, achète des châteaux. » « Distinction et aristocratie de Picasso dont on sait par ailleurs qu’il témoigne de son admiration pour Lautrec. “À Paris, j’ai compris quel grand peintre était Lautrec.” » Là, très aimablement, Marcelin Pleynet me cite, dans le livre que j’ai écrit sur De Kooning. Et en effet, je me suis souvent demandé pourquoi je restais en arrêt devant ce Souvenir de Toulouse. De Kooning n’est jamais allé à Toulouse. Évidemment. Pourquoi il peint ça ? Les Women de De Kooning et Lautrec, ça fonctionne très bien, si on sait s’apercevoir qu’elles sont là, au bord de l’Atlantique, par ce peintre-là.

Et puis nous arrivons quand même à ce fameux 11 septembre. Dont vous savez que c’est désormais une date absolument sacrée, qui commencerait la nouvelle ère dans laquelle nous sommes censés vivre. Le 11 septembre 2001. Vous êtes priés de tourner en rond autour de cette affaire.
Pleynet note : « La plus grande puissance économique et militaire, et la mieux protégée, les États-Unis, vient de faire l’expérience d’une agression sans précédent sur son territoire, où l’ennemi (mais quel ennemi ?) a frappé les deux symboles de son pouvoir, les tours jumelles de Wall Street et le Pentagone. La Bourse dans tous les pays s’effondre. » Elle a l’habitude de s’effondrer pour mieux rebondir. C’est là que nous commençons en effet quelque chose de beaucoup plus fondamental pour ce qui est du devenir financier – écrivez-le à la Jarry, « phynancier ». « Le traumatisme, dit Pleynet, n’est pas seulement américain, il est mondial [nous y voici, mondialisation], et sera inévitablement vécu comme un traumatisme sexuel. » Je relis, et je souligne : « Le traumatisme n’est pas seulement américain, il est mondial, et sera inévitablement vécu comme un traumatisme sexuel. » On peut vérifier ça, dans tous les embarras sexuels, qui durent plus que jamais depuis dix ans, au moins.

Donc : actualité d’un Journal de 2001. Et je ne doute pas que cela serait démontrable sur toutes les « Situations » antérieures publiées, comme dans tous les Journaux que Marcelin Pleynet a tenus au jour le jour. Le jour, c’est le jour qui implique l’ensemble des jours. Et l’ensemble des jours dans leur percussion vécue.

La question, c’est : est-ce qu’on peut sortir, ou pas, d’un traumatisme, ou d’une succession de traumatismes, d’une terreur soigneusement entretenue, pour changer, ou pas, de calendrier ? Aujourd’hui, le 10 octobre 124… Je reçois très très peu de vœux de nouvelle année… Il y en a d’ailleurs qui se trompent, qui se croient en 123… Il faut éviter ce genre d’erreur… 124, c’est l’ère du Salut, dit Nietzsche dans sa proclamation, et non pas l’ère de la dévastation traumatisante à effet sexuel.

Ce qui intéresse ce poète qui n’arrête pas de penser, c’est que « l’Arabie Saoudite – dit-il –détient 25 % des réserves mondiales de brut, et a vu sa fortune décuplée depuis le choc pétrolier de 1973 ». « Les soi-disant “paradis fiscaux” [vous en avez entendu parler] pris à parti ne servent qu’à illustrer l’exception que confirme la règle générale : la logique du capital encore mieux dissimulée derrière le fanatisme religieux des masses. Dans ce cas plus qu’en tout autre, la religion est littéralement l’opium du peuple. »
On dirait que ce poète qui pense a lu Marx. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles le médiatique fait semblant de ne pas s’apercevoir qu’il existe. D’autant plus que, là, je vois apparaître le nom maudit – il n’y a pas que Heidegger, ça serait déjà un motif d’inculpation suffisant, mais il y a Marx… Il y a Marx au même niveau que Rimbaud, que Lautréamont, qu’Homère, que Pindare, mais c’est inacceptable ! Je cite : « Cette aventure, qui aboutira au massacre d’un certain nombre de populations, pour mieux précipiter les pays sous-développés dans l’économie du marché mondial, certains de ceux qui la suivent et qui la commentent, ont mon âge… Il fut un temps où ils se flattaient d’avoir lu Marx, et plus récemment Guy Debord. Quel fromage mou occupe aujourd’hui leur cervelle ? » Oh ! C’est, pour en revenir à lui, ce que Jarry appelait le décervelage. Auquel les palotins sont désormais soumis, avec leur approbation, bien sûr, et la servitude volontaire.

Un des plus beaux passages est sur Pindare, vers la page 326-327. Nous revenons sur les Grecs, décidément très présents. Voilà quelqu’un qui est hanté par les Grecs… Qu’est-ce que c’est que ça ? Les Grecs ont-ils existé ? Bonne question. Là, Pleynet est en train de lire un livre que personnellement je n’ai pas lu, mais que je trouve admirablement bien cité : André Hurst, Pindare. Et en épigraphe, il y a une citation de la IVe Pythique, page 327, qui me va tout à fait : « Il serait long, le retour par la route : le temps me presse et je connais un raccourci. » Pleynet souligne « je connais un raccourci ».
Ce Hurst – inconnu à la télévision – a des formules tout à fait étonnantes, à propos d’un temps global. Par exemple, citation, page 328 : « Sauts camouflés, écarts aplanis, présent intemporel, ces procédés font résonner l’ode dans une tonalité de “présent majeur”. » « Sauts camouflés, écarts aplanis, présent intemporel, ces procédés font résonner l’ode dans une tonalité de “présent majeur” »… Je peux mettre ça en exergue des Voyageurs du Temps, par exemple.

Tout ce qui se passe ici, chez Pleynet, a un rapport constant avec le temps. Le temps qu’il fait – paysages ; le temps de l’actualité économico-politique, c’est-à-dire la mort ; le grand temps qui vient depuis les Grecs ; et le temps de l’être-là de celui qui est là en situation. Tout cela noté par « sauts camouflés, écarts aplanis, présent intemporel… »
C’est-à-dire : c’est un Journal, mais c’est un drôle de Journal, où le futur, s’il existe, considérera que les Journaux c’est un genre tout à fait passionnant, mais, là, on a fait un saut dans le temps.
Je cite encore, toujours page 328 : « C’est un véritable foisonnement du temps et des moyens de s’y mouvoir que Pindare suscite à la gloire du vainqueur, et à sa propre gloire, comme en témoigne, dans la VIIe Olympique, le discret parallèle qu’il établit entre son dire et celui de l’oracle apollinien. » Et alors, là dans la IXe Pythique, encore une fois c’est très très court et admirable : « Si les dieux poussent à la roue, le fait est rapide, les chemins sont courts. » Souligné : les chemins sont courts. « Il est évident – écrit Hurst – que plus le poète valorise la notion de temps, plus son intervention dans le temps du poème sera perceptible comme symptôme de son statut privilégié. En plus d’un point, le parallèle du poète et du dieu passe par l’usage qu’ils font du temps. L’un et l’autre peuvent le condenser [ce que Pleynet fait dans ce livre], l’un et l’autre peuvent y échapper : la divinité de par son immortalité, le poète par le biais des écarts chronologiques et des abrègements qui lui permettent d’affirmer sa maîtrise sur cette dimension du temps réel, mais aussi, plus banalement, du fait que le poème lui-même constitue une victoire sur le passage du temps. »
De même que le Journal constitue une victoire sur le passage du temps – s’il est comme ça. C’est-à-dire constamment éveillé, nourri de lectures et de regards sur l’actualité en même temps que sur des étourneaux qui passent. Pindare, dit toujours le même commentateur inspiré, noté par Pleynet : « Pindare sait que le pouvoir de condenser le temps constitue un privilège [c’est bien ce que Pleynet est en train de faire lui-même]. “C’est pour le poète un don léger, en échange de peines sans nombre, de n’avoir à dire qu’une bonne parole pour ériger un monument qu’il partage [avec le vainqueur].” (Isthmiques, I, 456). »

Alors, là, nous avons quand même quelque chose d’étonnant. C’est un poète qui pense, qui passe par la peinture quand il veut (et notamment Cézanne), par la musique, dans ce lieu où tous les sens doivent être en effervescence, qui est Venise. Mais qu’est-ce que viennent faire les dieux ou le dieu dans cette affaire ? Voyez. Ça, c’est quelque chose qui est souvent cité par Pleynet, on pourrait même parler d’une obsession : « Le temps – aiôn – est un enfant qui joue, cet enfant est roi : la royauté d’un enfant. » (Héraclite.) Moi, ça m’intéresse parce que, qu’est-ce que c’est qu’un poète qui pense, qui peut s’intéresser à la fois à la crise financière mondiale, aux réserves de pétrole en Arabie Saoudite… Ou une autre fois, si on était en 2011, il pourrait prendre, je ne sais pas, ce que vous voudrez à propos des neutrinos qui, en ce moment même, vous traversent le corps par milliards, ce dont vous n’êtes absolument pas conscient. De même que vous avez oublié la vitesse de la Terre autour d’elle-même, la vitesse de la lumière aussi et autres petites babioles de ce genre.

Il s’agit d’une victoire (Pindare) – ça marche avec la Sainte-Victoire de Cézanne, peintre grec s’il en fut. Mais qu’est-ce que c’est que d’avancer qu’il y aurait du dieu dans tout ça ? Dieu majuscule est mort ? Bon. On le réanime de temps en temps pour des massacres divers, mais enfin la question est résolue. Le dieu avec une minuscule (le dieu, les dieux… ce qui comprend aussi des déesses), vous avez ça dans Homère. Une hirondelle... Ulysse lève la tête et reconnaît le dieu – minuscule. C’est donc une sorte d’apparition furtive. Comme le dit admirablement Heidegger dans son Parménide, livre absolument magnifique, écrit en 1942 (la date a son importance), le dieu grec ne procède pas par commandement, par injonction, non, il est… – on le sent très bien si on est attentif, ou si on vit de façon qui peut correspondre à cette portée –, il est furtif, il indique, il fait allusion, il suggère, il prévient, il passe. Et dans mon prochain livre, qui s’appelle L’Éclaircie, je cite, sans le nommer, Heidegger, parce que si je le nomme tout le monde ferme le livre. C’est bien de ne pas nommer, de dire la chose même.
Donc, les dieux – vous allez voir comme ça correspond très bien à ce que la peinture peut permettre de saisir –, les dieux, dit Heidegger, sont ceux qui regardent vers l’intérieur dans l’éclaircie de ce qui vient en présence. « Les dieux sont ceux qui regardent vers l’intérieur dans l’éclaircie de ce qui vient en présence. » L’éclaircie, lichtung, la clairière. Voilà : on peut faire un Journal avec une multitude de clairières, pour montrer à la fois la ruine en cours, la dévastation, et l’indemne. Comme vous l’avez, à la fin de la Lettre sur l’humanisme, de Heidegger, admirablement précisé. En même temps se présentent la ruine et l’indemne. Je suis indemne, dit Rimbaud, je m’évade, je suis indemne, je n’ai pas subi de dam, damnation.

Page 336, vous avez, par exemple, une note sur l’année 1865, du calendrier grégorien, qui est tout à fait étonnante. Je lis : « Mallarmé a 23 ans. Lautréamont, qui n’est encore que le jeune Isidore Ducasse, est élève au lycée de Pau. Il a 19 ans. Il publiera Les Chants de Maldoror deux ans plus tard. » On fait tourner le temps, très vite. « Rimbaud fait sa première communion, il a 11 ans. Victor Hugo, exilé, termine Les Travailleurs de la mer. » Vous avez tout le xixe siècle, en raccourci.
Voyez toutes les figures qui montent, là. « Cézanne présente une toile au Salon, qui est refusée. Manet fait scandale avec l’Olympia et Le Déjeuner sur l’herbe. Aux États-Unis, le président Abraham Lincoln est assassiné. Le chèque bancaire reçoit valeur légale. » Je répète, comme dans les messages codés : « Le chèque – 1865 bancaire reçoit valeur légale. » Quelques années plus tard, il y a la conjonction entre le spermatozoïde et l’ovule, enfin passons. « Marx – oh ! il recite Marx – est un des principaux dirigeants de la Ire Internationale. » Que son nom soit maudit ! « Freud a 9 ans. » À 9 ans, c’était un petit garçon assez éveillé. Il faut voir, sur les documents filmés de Freud, à la fin de sa vie, il est déjà assez malade, l’extraordinaire élégance du corps de Freud, sur sa chaise longue, dans un jardin. L’extraordinaire élégance.
Nous manquons beaucoup de documents de ce genre pour voir les corps. Et, en 1865, qu’est-ce qui se passe encore ? « Nietzsche – oh ! – est étudiant à Leipzig où il découvre Schopenhauer. »
Voilà l’année 1865 en raccourci. Il y aurait certainement beaucoup d’autres choses à dire sur l’année 1865. Chez moi, un journal qui paraissait à l’époque, Le Journal de Bordeaux, où il y a tous les mouvements commerciaux, les guerres qui sont à peu près partout… Alors monsieur Isidore Ducasse, il est élève au lycée de Pau. Eh oui, il est arrivé par bateau à Bordeaux. Journal littéraire et commercial… Il y a des feuilletons épatants. Avec des points de suspension… C’est fou, la littérature qui a été imprimée au xixe siècle…

Bon, eh bien, nous allons maintenant vers un mouvement de caméra, parce que c’est comme ça qu’il fonctionne. « Le Baldaquin, la Gloire de Bernini, la place Saint-Pierre, la façade de Maderno, la coupole de Michel-Ange – et retour sur le pape. » Oh ! Qu’est-ce qui se passe là ? Le pape. Quelle drôle de fréquentation. Un peu plus tôt, il est question du Syllabus. Mais n’oublions pas la citation de Baudelaire dans Lautréamont par lui-même, 1967, grande date : « Si tu n’as fait ta rhétorique / Chez Satan, le rusé doyen, / Jette ! tu n’y comprendrais rien, / Ou tu me croirais hystérique. » Nous avons fait notre rhétorique, et le pauvre Satan mériterait, avec la rhétorique elle-même, d’être revitalisé. Mais enfin laissons cela.
Pour l’instant, je vois un pape dans le Journal de Marcelin Pleynet, intitulé Nouvelle liberté de pensée. Dites-moi... Je cite : « Courbé »… c’est J.-P. II, il existe encore en 2001, il va mourir trois ans après, il a surmonté ses deux balles dans le ventre… Alors, voici la description de ce poète qui ne s’interdit pas de penser, à qui ça donne donc une grande liberté, sans préjugés : « Courbé, la tête rentrée dans les épaules, tremblant, il regarde la caméra, il est là mais à peine, il semble absent à l’image… Lourde et encombrante présence des visages et des corps autour de lui. Seule l’architecture, elle aussi, est sans âge. Le temps les traverse tous les deux. Il va le rejoindre bientôt. Ce doit être ça l’Église dans l’Église. »

Je vais m’en tenir là… non sans citer cette note du surlendemain, 26 décembre 2001 : « Pendant que je traçais ces lignes, à la tombée du jour, un rossignol s’est mis à chanter, et je n’entends plus que lui : présence musicale claire et intelligente dans le brouillard, la pluie neigeuse… la solitude, et la nuit qui vient. » Économie des moyens. Faut-il s’étonner que le lendemain il soit question de Bach, des Concertos brandebourgeois, du cor qui est là, magnifique ? Le concerto n°5 : « Le clavecin qui brièvement conclut l’adagio et ouvre l’allegro. Ce qui chante est alors unique. Qui ne voudrait être de cette pensée, de ce chant qui habite toujours les yeux et les oreilles du monde ? » Condensation.

Eh bien, nous allons finir cette année-là par cette notation qui me plaît beaucoup, et qui renvoie au Savoir-vivre, c’est-à-dire au moment où, après un accident de santé, Marcelin Pleynet redécouvre Paris comme s’il le découvrait pour la première fois, avec notamment La Musique aux Tuileries, de Manet, comme tableau qui se dresse là, pour lui.
Les Tuileries… Qui se rend compte qu’il vit dans la capitale européenne, dans un trésor merveilleux ? Il faut redécouvrir Paris si l’on a vécu à New York, ou si l’on est tout le temps à Venise. Le point de vue sur Paris… D’ailleurs, il y a un film sur Marcelin Pleynet qui montre ça très bien.

Alors voilà, ça sera une bonne chute, si vous voulez bien : « Les deux fontaines de la place de la Concorde, pourtant ruisselantes, vivent dans l’or de l’air qui les entoure et les porte naturellement comme il porte, dressé jusqu’à sa pointe, l’obélisque de Louxor. »
Voilà. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, louxor, calme et volupté.

Philippe Sollers

Bureau de L’Infini, Paris, le 10 octobre 2011. Propos recueillis par Augustin de Butler. 

L’Infini, n°120, septembre 2012.