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Filmer Marcelin Pleynet
Vita Nova


Nous remontons le boulevard Saint−Germain. Marcelin Pleynet allume une cigarette.
− Marcelin Pleynet j'aimerais faire un film avec vous ?
− Mais oui, si vous voulez, que puis−je faire pour vous ?

Je comprends qu'il ne songe pas du tout à lui−même.

− Je veux dire un film avec votre collaboration… Marcelin Pleynet par lui−même…

Il est surpris.

− Comment cela ?…
− Un portrait à travers les livres, les tableaux, les musiques, les villes selon vos choix…
− Faites une liste de vos premières idées… Vous me l'envoyez … On en reparle.


Extrême rapidité de la décision. Pas de bavardage, pas de déclarations d'intention. Le film se réalise sur ce mode.

Je propose à David Grinberg d'être le directeur de la photographie. Nous étudions différents moyens techniques. Il faut une équipe légère, et peu de matériel. Nous envisageons un moment de tourner en 16 millimètres. Nous optons finalement pour le numérique. Je devrais solliciter différentes aides à la création, CNC, Ministères, etc. Dès que j'y pense, dégoût immédiat. « Madame, vous avez déposé une demande… J'ai le regret de vous informer… » Impression à chaque fois de recevoir une pelletée de terre au fond de la tombe creusée d'avance. Mon association prend tout en charge.

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Je relis l'œuvre publié de Pleynet, crayon à la main…

Puis nous choisissons les matériaux du film :
Tableaux, dessins, sculptures, architectures, instruments et partitions de musique, photos, couvertures de livres, reproductions, extraits d'anciens films, documents de travail, archives… Voyages… Égypte, Grèce, Italie, France, Hollande, États−Unis, Chine… Numéro de la revue Tel Quel, L'Infini… Groupe théorique, séminaire. Tous les documents sont d'une incroyable vivacité… J'étudie ces images des milliers de fois… leur dynamique toujours active.

Nous y ajoutons les villes où nous allons tourner. Venise, Paris, Rome… Nous commencerons par Venise. Pleynet me remet un plan sur lequel il a tracé un parcours. Nous filmerons les tableaux où la musique est présente…  Archange soufflant dans une trompette, peint sur le plafond à l'entrée de l'Eglise de Vivaldi… Saints et anges jouant de la musique, Giovanni Bellini, triptyque de la Madone aux Frari… Je rajoute l'Assomption du Titien.

Le marbre sur l'eau, les effets et les reflets de la lumière, les détails d'architecture, les églises comme une extension des habitations… Chaque image doit pouvoir s'insérer à n'importe quel moment du film.

Nous garderons les sons d'ambiance… les cloches lorsqu'elles résonnent toutes à la fois le dimanche à midi, la ville maritime… En évitant autant que possible les attractions touristiques.

Je prévois un micro pour Pleynet. Nous ferons un entretien dans un des restaurants en terrasse du Zattere… et le poursuivrons plus tard dans chacune des villes…

David a vécu à Venise. Avec le plan de Marcelin Pleynet, nous regroupons les lieux selon leurs points cardinaux. David connaît parfaitement les variations de lumière sur la ville et aime particulièrement celle de l'aube. Nous y serons pendant la troisième semaine d'octobre. Il relève les heures de lever du soleil, et nous organisons le tournage selon ce paramètre. Nous le garderons pour Paris et pour Rome. Pratiquement tout le film se fait ainsi au lever du jour.

Il faut des autorisations de tournage. Je m'adresse à la Curia patriarcale et au service du patrimoine du Palais Ducale. Une amie traduit les lettres et ajoute les formules d'usage : « Ringraziandola anticipatamente per l'attenzione che vorrà concedere alla mia richiesta, Le porgo i miei più devoti ossequi » …


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Avant même de partir se pose la question du montage. Je numérise quelques images, et je fais des essais sur mon ordinateur. Je cherche une logique, celle de l'objet pour lui−même. Il faut éviter la succession chronologique. Une date contient toutes les autres. J'applique aux images une forme cubique. Cela reste une idée.

Pleynet trouve la solution. Filmer une main qui lance un « toton »… Toupie à quatre faces, le sevivone, avec les lettres en hébreu sur chaque côté : « Là−bas un grand miracle a eu lieu… ». Là−bas ou ici… On le donne aux enfants pour la fête de Hanoukka. Chaque fois que le toton sera lancé, il donnera au film une nouvelle direction.

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M. Pleynet suggère également une séquence où une danseuse serait en train de s'exercer. Je prépare une danse. Tous les jours dans le studio, j'explore les mesures à quatre temps sur lesquels on place un accent tous les trois temps, et l'inverse, une mesure ternaire sur lequel on joue un accent binaire. J'étudie le jeu rythmique de manière à rendre chorégraphique le double phrasé, ce qui produit une sorte d'enjambement du corps par lui−même. Une nage…

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− Tenez c'est pour vous…

Marcelin Pleynet me tend un petit classeur noir.

− Je note tout ce qui me vient à l'esprit… Citations, tableaux, musiques, situations, scènes… Les pages sont amovibles… Vous pouvez les assembler dans un ordre puis dans un autre…

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Le projet est pensé dans sa totalité, et le film se découvre en même temps qu'il se fait.
Il n'y a pas de synopsis, de « story−board ». Chaque fois qu'une scène significative se présente nous allumons la caméra. Qu'est−ce qui est pensé ?

Pour les autorisations, nous avons indiqué des lieux, des sites, des tableaux qui ont particulièrement marqué Marcelin Pleynet. Un fil conducteur. Tout reste possible à tout moment. Ce film est un portrait de ce que l'on aime faire et de ce que l'on fait en aimant.

Nous arrivons à Venise le 14 octobre 2006. Le taxi nous dépose Campo San Guistina. Sur le hors−bord David sort sa caméra, filme l'écume du sillage et l'arrivée sur Venise. Le temps est magnifique. Ciel bleu vif. L'appartement de San Guistina est spacieux, entouré de fenêtres. Le soleil les traverse d'heure en heure, accompagné des cloches qui se répondent par−dessus les toits…
Une bibliothèque trilingue, italien, anglais, français. D'un côté livre d'art, monographies, traités d'architecture. De l'autre littérature principalement française : Voltaire, Diderot, Flaubert, Stendhal…
Une discothèque, Mozart, Haydn, Haendel, Vivaldi, Monteverdi…
Une vidéothèque avec quelques films rares… Je découvre Ordet de Carl Dreyer.

Je passe chercher les autorisations au Palais Ducal. L'administrateur s'amuse de mon air grave, lorsqu'il me montre la Piazzetta depuis le balcon du premier étage. Il me propose aimablement un dîner… « Si vous avez un moment »…

Nous sortons tous les matins à l'aube. Nous filmons jusqu'à 10 heures. Nous ressortons pour le coucher du soleil. Pleynet est dans son studio. Au cours de la journée, il se joint à nous, puis repart travailler. Le soir nous nous réunissons à l'appartement et regardons les prises de vue. Maîtrise parfaite du cadrage de David… Profondeur de champ pensée. Il découvre pour lui−même ce qu'il y a à voir.

Puis vins, musique, dîner…

Campo Pisani. Les vocalises d'une chanteuse s'échappent d'une fenêtre du conservatoire de musique. Mezzo−soprano. De la fenêtre voisine, une trompette reprend un trait. Des enfants jouent... Leur ballon résonne sur le pavement. La partition s'écrit toute seule. David s'attarde à filmer la sculpture d'Hercule tenant ouverte la gueule du lion de Némée.

Santa Maria della Salute. Autour de la coupole, « le peuple des statues », saisies dans leurs conversations. Du chantier tout proche on entend les coups d'un ciseau en train de défaire les dalles de marbre. Le son du chantier rappelle la main du sculpteur, synchronisés dans une même unité de temps.

Le soir nous installons la caméra sur un des ponts, Riva dei Schiavoni. Un paquebot quitte la ville. La foule attend son passage, amassée le long de la rive. L'eau dorée est agitée par la circulation dansante des bateaux. Au loin la Salute est déjà à contre−jour. Un point rougeoyant éclaire une des ouvertures traversée d'un rayon. Le paquebot s'avance. Derrière lui la ville disparaît et réapparaît à la poupe. Les passagers sur le pont applaudissent les spectateurs sur le quai, qui leur répondent, personne ne sachant plus sur quel bord de la scène il est… Passagers d'un embarquement mystérieux. A côté de moi, une jeune Américaine, les larmes aux yeux, murmure « Why, why is it so beautiful ? … How can that exist ? ».

Le grand théâtre flottant passe lentement et la foule étonnée applaudit encore longtemps.

 

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Nous nous donnons rendez−vous sur la Piazzetta à 5 h 30 du matin. Il fait nuit. David filme d'abord la place Saint−Marc vide. Opéra continu… L'intrigue du temps et du lieu en eux−mêmes…

Adam et Eve, sculptés dans l'angle du Palais Ducal...
Le jour se lève… l'eau réfléchit la lumière rose… Nous sommes là, pour le plaisir d'être là. Présence de chaque chose en son mouvement… Un nouveau théâtre où les éléments jouent leur propre unité…

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Paris. Rendez−vous au Louvre. Département des Antiquités grecques et romaines. La Victoire de Samothrace, La Vénus de Milo, Hermès rattachant sa sandale, Frises du Parthénon, les Panathénées, la Tête du cavalier Rampin.

M.Pleynet a photographié quelques unes de ces sculptures, en 1949, à 16 ans.

« Le visiteur arrivait alors, presque directement, au pied du grand escalier que domine la Victoire de Samothrace... où la Grèce se propose comme une Victoire ailée... Même événement, le même jour, si je puis dire, en grand écart, avec la grande pala de la Vierge à l'enfant de Cimabue... Que pouvais−je en savoir ? Rien. Mais n'est−ce pas autour de ce rien que la sensibilité spontanément se charge ? De quoi ? Des vertus rédemptrices du hasard. »

Caméra à l'épaule, David court du bas de l'escalier jusqu'à la Victoire

 

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Quelques semaines plus tard, le musée Picasso. Les toiles sont déplacées pour un nouvel accrochage. Nous ne filmerons pas les tableaux qui étaient prévus mais d'autres… La caméra capte ce qui est là… Le Baiser… le bruit d'une scie électrique… Dans le jardin le groupe des Baigneurs… des coups de marteaux sur du métal au moment où nous filmons. Tout s'ajuste. Une manière d'être présent.

 

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Quel est le scénario ? D'une ville l'autre…il y a une intrigue à suivre. Quelle perspective se découvre ?
Je pense à une chorégraphie. Rythmes : accélérations, reprises, mouvements lents, couleurs, phrasés, courbe, verticalité etc.… Vocabulaire musical. Un corps lorsqu'il est musical se transforme en ce que l'on veut… Guitare, fontaine, paysage… C'est pourtant toujours le même corps.

Parfois Pleynet s'étonne de ma disponibilité… Cela tient au métier d'interprète… L'habitude d'être dirigée, d'être un instrument…

 

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Nous réalisons une séquence avec Pleynet à sa table de travail, entouré de la bibliothèque. La bibliothèque comme atelier. Tout part de la bibliothèque et tout y revient… Mémoire habitée pour qui la travaille et s'y ajoute. En elle−même biographique…

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Rome. David et moi sommes logés à la villa Médicis. Pleynet est chez Gerald Piltzer, en bas de l'escalier de la Trinité des Monts. L'aube toujours. La vue depuis la terrasse de la villa… la coupole de Saint−Pierre est dans une lumière bleue nacrée. Peinture de Corot.

En arrivant nous apprenons que nous avons rendez−vous avec un responsable de la communication du Vatican. Umberto Todini nous l'a obtenu. Accueil extrêmement courtois… Grande civilité. Le professeur prévient les gardes suisses… Nous pouvons filmer à notre aise l'intérieur de la basilique. La foule est déjà très dense. La Pietà de Michel−Ange. Les touristes  poussent David, lui donnent des coups de coude. Il tient son point et laisse la caméra décrire comme un pinceau la très jeune fille et le corps de l'homme qui repose sur elle… derrière une vitre depuis qu'un forcené a essayé de la mutiler.

Nous faisons plusieurs prises de Pleynet remontant l'allée centrale jusqu'au Baldaquin et au−delà jusqu'à la Gloire du Bernin…

Les touristes ne nous voient pas… s'interpellent dans toutes les langues… David continue comme s'il était seul. Le bruit de la foule est grondant. L'église est étonnamment à l'échelle humaine. 

Puis le plafond de Pietro Cortone du Palais Barberini … Dans un mouvement tournant comme sous la voûte d'un crâne dit Pleynet.

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Paris de nouveau. Place de la Concorde à 6 heures du matin. Nous sommes le 1er mai. Les réverbères s'éteignent d'un coup. Tout est enveloppé de mauve, la Seine, la succession des ponts, les tours de Notre−Dame au loin. Une mouette entre dans le champs, décrit une arabesque. David laisse la caméra tourner jusqu'à ce que la mouette se pose sur l'eau, et replie ses ailes dans un frémissement.

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Nous commençons le montage. Trente heures de bandes, et presque 200 photos. Je fais d'abord imprimer sur papier le photogramme de chaque début et fin de plan. Le format de ses prises de vue réduites à une image témoin permet d'élaborer un pré montage loin des machines.

Nous associons les photogrammes… dans un ordre, dans un autre. Chaque séquence est étudiée pour elle−même. Juxtaposée à la suivante comme un collage. Nous passons d'images en images, la mémoire des plans en tête. Aucune discussion, pas de pourquoi. Nous avançons vite. J'écoute. Et plus j'écoute, mieux j'écoute.

Avec cette partition, je retourne voir le monteur. Je travaille le rythme, les coupes, les sons. Si, par endroits, le pré montage sur papier ne fonctionne pas nous changeons. Je fais comme cela plusieurs allers et retours entre la partition et le film.

Nicolas Vidal maîtrise parfaitement les surimpressions. Nous les utilisons pour la danse. Pas de plus beau décor que le jardin des Tuileries pour faire quelques mouvements. Je m'ajoute également dans deux tableaux de Picasso, dans une dimension du cube… dimension érotique, celle de la vision « rapprochée » qu'offre une scène vue sous toutes ses faces. L'Homme à la mandoline 1911, et Baigneuse ouvrant une cabine de plage 1928. Nous laissons la séquence se dérouler en silence. La musique c'est le tableau dans lequel je danse.

Marcelin Pleynet construit celle du Baigneur les bras écartés de Cézanne en surimpression de sa marche jusqu'au Baldaquin de Saint−Pierre à Rome.

Nous gardons les sons d'ambiance. Nous les étirons parfois d'une séquence sur l'autre. Les bruits d'une ville se prolongent ainsi sur les images d'une autre. Les villes sont trois et une.
La musique a été enregistrée au moment du tournage.

La voix−off vient en dernier. Dispositif voulu dès le départ. Les images sont soumises au texte et pas l'inverse. Marcelin Pleynet lit les citations accumulées dans le classeur noir. 

Il faut écouter un lecteur pour comprendre s'il a vécu ce qu'il lit. C'est intraitable. Pleynet est exactement ce qu'il dit.

Je rouvre le petit classeur noir. Les pages qui font l'étoffe du film…

Plan : Florence dans le studio de danse.
Carnet :

Flo
Associer les séances danse avec les œuvres de Matisse

Voir si possible d'introduire un extrait de la séance danse entre deux séquences vénitiennes
            l'eau − la lumière
            une place à Venise

Danse et rythme.
 « Car selon que chacun détient un mélange propre à ses membres prodigues de mouvements », Parménide, Fragment XVI.

« La façon dont chacun est corporellement disposé influence la façon dont il pense ».

Dans la médecine ancienne − est le tempérament, entendu comme équilibre spécifique en lequel le corps se dispose, selon qu'y prédomine son humeur particulière, elle−même liée au rapport entre ceux des quatre éléments qui composent le corps…la maladie est rupture d'un équilibre − quelque chose se désaccorde.

Dans le Phédon (86 b) se trouve un passage où tempérament apparaît comme quasi synonyme du mot harmonia (harmonie) − l'harmonia manifesté concrètement dans la tension des cordes de la lyre, est en grec le nom même de la musique.

L'octave en grec est l'hamonia, mot qui a d'abord désigné l'ajointement des pièces d'une charpente, particulièrement dans une œuvre marine.



Titre : Vita Nova
Carnet :

« Au lieu d'ajouter un film à des milliers de films quelconque, je préfère exposer ici pourquoi je ne ferait rien de tel.
Ceci revient à remplacer les aventures futiles que conte le cinéma par l'examen d'un sujet important : moi−même. » Guy Debord

« Quand les hommes s'embarquent, la première grâce qu'ils souhaitent est que survienne pour le début de la traversée, un vent favorable, car c'est un présage qu'ils feront de même pour obtenir un heureux retour. »
Pindare, Pyth. I, 30 − 95


Plan : Venise : Nuit, eau, reflet des réverbères sur l'eau, comme des idéogrammes chinois….
Carnet :

Épigraphe STANZE − « Celui qui tient la grande image tous les mondes accourent à lui. Ceux qui accourent ne subissent pas de tort, mais demeurent en paix et union. La musique, la danse font s'arrêter  un étranger qui passe. Mais les paroles qu'on dit sur la voie, comme elles sont fades et sans saveur ! Regardée, elle ne vaut pas qu'on la voit ; écoutée, elle ne vaut pas qu'on l'entende. Mais employée, elle ne peut être épuisée. » Tao Tö King

Autre épigraphe possible − Utilisable en tout cas

« Celui qui crée, qui figure ou qui écrit ne peut plus admettre aucune limite à la figuration ou à l'écriture : il dispose tout à coup seul de toutes les convulsions humaines et il ne peut se dérober devant cet héritage de la puissance divine qui lui appartient. »
Georges Bataille, Le sacré t.1 p 562


Plan : Photo, M. P. en Grèce

Carnet :

Photos de M. P. − Voir s'il est possible de s'en servir pour ponctuer le film − en les utilisant comme autant de dates.

Photo
Je est un autre


Plan : Bibliothèque
Carnet :

Entrée rue de Verneuil où la caméra suit jusqu'au studio d'où tout part, dans l'ouverture de la bibliothèque, avec la mise en jeu du toton.

Utiliser la bibliothèque comme Atelier
Partir des reproductions dans la bibliothèque pour s'ouvrir sur le monde

La bibliothèque de M. P. en surimpression sur les n° de Tel Quel et de L'Infini

Texte sur des images de bibliothèque ou de livres :

« La mémoire est aimée par l'homme dans les mots
La solidarité entre les hommes
Vaut pour leur bien la vie durant
Mais c'est en lui que l'homme questionne

« La vue se montre un réconfort … »


Bibliothèque − Utiliser catalogue Aldo Manucio − Venise


Plan : M. P. devant la porte rue de Verneuil
Carnet :

M. P. suivi par la caméra, c'est−à−dire de dos

Le Grand Atelier
Voir si le film ne pourrait pas commencer par une série d'entrées.

Donner peut−être l'impression d'une porte tambour

Entrée dans un cinéma, entrée, salle obscure, film − Nuit et Brouillard



Plan : La porte arche du campo Pisani
Carnet :

Campo Pisani − Institut de musique −
Porte arche au milieu du campo.
Entrée du studio− passage derrière Palazzo Pisani jusqu'au Grand Canal.

Porte

la porte s'ouvre de l'intérieur
serrure − si j'avais la clef
je n'ai pas la clef
c'est une porte sans serrure et sans clef
d'ailleurs il n'y a pas de porte

M. P.

Plan : Rome, M. P. marchant dans l'allée centrale de SaintPierre
Carnet :

Rome − Virgile « Cette cité porte le front plus haut que n'importe quelle autre cité ».

Question : « Pourquoi Rome »
Réponse : Un Européen − ou un qui habite en Europe ne peut pas ignorer Rome où se joue ce qui pense la pensée

Plan : Le toton
Carnet :

« Comment pourrais−je supporter d'être un homme si l'homme n'était pas aussi poète, déchiffreur d'énigme, rédempteur du hasard.
Délivrer les hommes passés et transformer tous les “ce fut” en un “telle est ma volonté” − c'est cela et rien d'autre que j'appellerai rédemption ».


Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
De la rédemption


Plan : Venise
Carnet :

Lecture M. P. (voix−off) − Ouverture sur un vaste plan d'eau
« J'ai été comme lancé dans l'aventure. Par qui ? Pourquoi ? (Comment)… par l'aventure elle−même et pour elle−même …
En y repensant il me semble que j'ai été depuis toujours « aventure »…
J'aurai sauvé cette chance − cette sorte de hasard qui n'en est pas un…
Chaque situation autorise ce qui la constitue et ce qui la découvre et l'ouvre à un nombre infini d'autres situations…

Je suis né en 1933. J'ai souvent pensé à ce qu'il en fut alors de ma santé mentale.

Lorsque j'eus 20 ans − un médecin militaire m'a fait le coup : dites 33… Je ne réagissais pas comme convenu − j'ai été réformé.

Et vous−même, comment allez−vous ? Dites 1933 − on vous ausculte − je vous écoute…

Toute situation possède en elle−même, les moyens qui permettent de s'en dégager… En ce qui me concerne − c'est de naissance.

et dans l'ouverture de chaque situation c'est bien de naissance qu'il s'agit
        naissance et
renaissance,
        et justement à chaque fois il n'y a pas une situation mais cent, mille et mille − cent mille.


Plan : Venise
Carnet :

« Mais là−bas dans l'immense chantier − vers le soleil des Hespérides… en bras de chemises, (nuages) déjà s'agitent les charpentiers. » Rimbaud

Hölderlin − « Que tous les lieux de la terre se trouvent rassemblés en même lieu […] et la lumière philosophique autour de ma fenêtre −
Voilà ce qui maintenant fait ma joie ».

M. P. « Que faire de cet œil porté, aveugle, qui à Venise est une oreille là−bas. »

Monteverdi : « Je dis tout d'abord d'une manière générale que la musique désire régner sur l'air et pas seulement sur l'eau. »

Sollers : « Il dit que tant que la parole ne s'offre pas à elle seule pour engendrer la pensée, l'esprit dans l'homme n'aura pas atteint sa perfection.
C'est seulement quand la pensée se voit dans l'impossibilité de s'exprimer autrement que dans le rythme qu'il y a poésie. »

 H, p.17
 

 

« Quand je cherche un synonyme à « musique » je ne trouve jamais que le nom de Venise. »

Ecce Homo, p. 122

« Un chant de gondolier
Tremblant d'une trouble félicité
Quelqu'un l'écoute−t−il ? »

« Ce à quoi on n'a pas accès par une expérience vraie on n'a pas d'oreille pour l'entendre. »


Ecce Homo, p.131

 

Plan : Paris, jardin des Tuileries
Carnet :

Groupe, ou promenade de M. P., et surimpression brève du tableau de Manet Le Concert aux Tuileries

Entrée M. P. de dos et F. L. dans les jardins des Tuileries jusqu'à l'Arc de triomphe du carrousel et la Pyramide

Personnage du XVIIIème siècle traversant l'allée devant eux (M. P. et F. L.)

Tableau de Nivollet…

Pyramide − Toton − Entrée au Louvre − Concert champêtre − Musique de flûte.


Plan : Piazzetta
Carnet :

Le passé n'est pas mort il n'est même pas passé

Le bleu disparaît s'élève comme une montagne d'ailleurs il n'y a rien que la terre qui s'ouvre dans le soleil.

Air − D'où vient−il ce parfum − quel instrument dans l'orchestre −
le rêve qui vient, qui nous enveloppe ou bien nous poursuit −
quel est−il en traversant l'air − la lettre R − l'air parfumé du jardin. M. P.

La pensée − Elle dit oui − elle dit non
Elle ne dit rien − Elle ne peut rien nier qui ne soit − elle ne peut rien affirmer qui ne soit
La pensée… Tandis que le soleil se lève sur les îles avec des milliers d'oiseaux − Il faut que je ferme les yeux pour l'entendre venir lorsqu'elle s'éveille dans la lumière sur les rochers gris.


Venise Hölderlin
« Puissé−je garder en mémoire le chemin qui m'a conduit jusqu'ici… »

 

Florence D. Lambert, « Filmer Marcelin Pleynet », L’Infini, n°113, hiver 2011.